Par André Duval
André Liebich, lors d’une intervention récente au sein du Cercle Germaine de Staël qui avait pour thème la guerre en Ukraine a répondu à la rumeur selon laquelle « Poutine serait devenu fou ». Bien sûr qu’il n’est pas devenu fou ! Mais on peut imaginer que, comme tous les changements qu’il a fait subir à la constitution de son pays le démontrent, le principal souci du président russe est de conserver le pouvoir.
Sous cette hypothèse, nous sommes dans le cas d’un régime autoritaire ou, ce qui revient au même, d’un gouvernement conduit par une mafia : le président et ses oligarques, le parrain et ses comparses. Navalny, l’opposant en prison, ne dit pas autre chose lorsqu’il dénonce les enrichissements de toute l’équipe au pouvoir. Inversons, alors : Poutine ne veut pas être fidèle à une quelconque histoire de la Russie mais entend manipuler l’histoire pour tromper ses concitoyens. Il est en permanence dans le mensonge, ce qui explique pourquoi l’information est à ce point cadenassée dans son pays.
Ce raisonnement semble être confirmé par la manière dont la guerre contre le peuple ukrainien est menée : on détruit une ville, ses infrastructures économiques, ses écoles, ses hôpitaux, ses habitations, alors que cette opération se voulait être au service de la population, seuls les dirigeants devaient être visés.
Alors pourquoi Poutine s’est-il vu obligé de lancer cette « opération » ? En 2020 son comparse en Biélorussie a failli succomber suite aux manifestations contestant son élection, les électeurs espérant faire évoluer leur pays dans le sens de ce qui se vivait dans les pays voisins comme l’Ukraine et la Pologne. Comme le dit Alain Frachon*, Poutine a peur que son peuple soit contaminé par ce qu’il pourrait observer dans les pays proches, alors éloignons les frontières. Pour un tyran la peur devient maladive, obsessionnelle. Contrairement à ce qu’on a pu dire, Poutine ne s’émeut pas du rapprochement de sa frontière avec l’Otan, il se moque des volontés de la Suède et de la Finlande de rentrer dans cette structure défensive. Son objectif premier est de réduire le plus possible l’attractivité pour des pays démocratiques que pourraient ressentir ses concitoyens. Raison pour laquelle il aimerait reconstituer son aire d’influence qui éloignerait sa frontière d’avec les pays démocratiques.
Dans ce contexte, quelle est la position du président Macron ? Comme Poutine, il est guidé par la relation entre les gouvernants mais pas par les aspirations des peuples. Il veut ne pas gêner Poutine et refuse, par exemple, que l’Ukraine entre dans l’Union Européenne. Il veut bien que ce pays se défende mais pas qu’il gagne ; l’aide qu’il lui apporte pour répondre à l’émotion de son peuple, reste parmi les plus faibles. N’avons-nous pas entendu que celle de la France à l’Ukraine restait inférieure à celle d’un pays balte aux dimensions géographiques et économiques des plus réduites ? Selon lui, comme pour un certain nombre de commentateurs, l’Otan n’aurait pas dû s’ouvrir aux anciens pays du bloc communiste, la volonté des peuples devait être soumise à celle de Poutine. Il veut éviter d’humilier ce chef de guerre sans scrupule qui tue, qui massacre un peuple, qui détruit tout un pays, alors qu’il s’est fait couvrir de ridicule par celui-là même. Lui, le président de l’état français, est source de honte pour nombre d’entre nous. Peut-être décide-t-il dans l’intérêt de l’Etat, mais pas dans celui de la France et des Français**.
La campagne pour les législatives en France est d’une tristesse incroyable et l’une des raisons est probablement parce ni Macron, ni ses opposants principaux ne veulent intervenir sur ces sujets pour des raisons très subalternes. Ils montreraient qu’ils sont tous en contradiction avec leurs électeurs, qu’ils soient d’extrême gauche ou d’extrême droite ou macronistes.
*Alain Frachon, journaliste au Monde, auteur du livre « Un autre monde, l’ère des dictateurs »
** Ce paragraphe a été écrit avant le voyage à Kiev de Scholtz, Macron, et Draghi