Par André Duval
Il est habituel de ranger sous ce qualificatif l’ensemble des démocraties occidentales, or le mode de désignation des candidats aux élections et le mode d’élection peuvent être très divers. Plusieurs questions peuvent alors se poser, « sont-ils tous équivalents ? » ou bien « certains font-ils le lit du populisme ? » ou bien « découragent-ils les électeurs qui vont de plus en plus s’abstenir ? » etc… Les élections en Allemagne, celle du président de la république française à venir, sont une bonne occasion de réfléchir à ces questions. Nous débuterons l’analyse par les Etats-Unis.
A. Les Etats-Unis
Nous examinerons le cas du gouvernement fédéral. En préambule notons que seuls deux partis sont en compétition et qu’ils sont assez puissants pour ne pas être débordés. Deux tiers environ des électeurs se déclarent membres d’un parti. Enfin, la séparation entre pouvoirs législatif et exécutif y est assez claire. Le premier est incarné par les deux chambres, le sénat et la chambre des représentants, chaque état est représenté au Sénat par deux élus, les membres de l’autre chambre sont élus aussi par état mais en nombre proportionnel à celui des habitants. Le second l’est par un président élu au suffrage universel. Même si leurs dates sont liées, les élections des uns et de l’autre sont relativement indépendantes.
Inconvénients : Le système où seuls deux partis se partagent les électeurs a l’inconvénient de les faire s’opposer en permanence, rabaissant le nécessaire débat à une confrontation négative.
I/ Election du président,
a/ La désignation des candidats. Quiconque peut se porter candidat dans le parti auquel il appartient. Pour les départager chaque parti suit un processus similaire : l’organisation d’un vote dans un certain nombre d’états mais à des dates assez espacées pour que d’un vote à l’autre la situation s’éclaircisse quelque peu. Les différences du mode d’élection d’un état à un autre étant négligeables, chaque vote par état permet d’élire des délégués. A l’issue de ce processus celui qui aura le plus de délégués sera le candidat du parti. Dans certains états le nombre de délégués est réparti proportionnellement aux voix, dans certains autres le premier obtient la totalité des délégués.
Avantages : C’est un mode interactif dans le sens où comme on l’a dit il est progressif, le vote dans l’état suivant dépend des votes précédents, c’est une aide à la maturation de ses choix. Il est aussi meilleur qu’un sondage car ce sont de vrais électeurs qui participent et qui s’engagent. Il reste cependant un sondage car toute la population n’est pas concernée.
Inconvénients : Le vote étant limité à ceux qui se sont déclarés pour ce parti, l’élu peut être choisi pour un attachement plus radical à celui-là, toutefois cet effet est atténué car les inscrits ne sont pas généralement des militants.
b/ L’élection elle-même. Elle s’effectue en deux étapes, chaque état élit des délégués, puis ces grands électeurs voteront pour le président selon le mandat reçu. Leur nombre par état est égal à la somme du nombre de représentants et du nombre de sénateurs, et comme ce dernier est le même pour tous les états, celui des délégués donnera relativement plus de poids à ceux à population plus faible. Particularités : le mode de cette élection est propre à chaque état, ce qui fait qu’actuellement les états gouvernés par les républicains votent des lois rendant difficile le vote par les minorités.
Avantages : le passage par le biais d’un suffrage indirect est plus symbolique qu’effectif car les grands électeurs sont tenus à respecter le choix voulu par l’électeur. Le nombre non directement proportionnel à celui des habitants permet aux petits états de compter dans l’élection et de n’être pas considérés comme négligeables.
Inconvénients : Nous avons vu lors de la dernière élection des pressions s’exercer pour obliger les grands électeurs à ne pas respecter le mandat qu’ils avaient reçu et voter pour le candidat adverse. Il arrive fréquemment que l’élu ait bénéficié de moins de voix que son concurrent et ce biais profite principalement au parti conservateur mieux représenté dans les états ruraux, moins peuplés.
II/ L’élection des chambres.
Le sénat est renouvelé par tiers tous les deux ans, chaque élu l’est alors pour 6 ans. Il est fait en sorte que les élus d’un même état ne le soient pas lors de la même élection. Les élus de la chambre des représentants sont renouvelés tous les deux ans, la durée de leur mandat n’est alors que de 2 ans.
Les dates des élections pour chacune des chambres sont identiques à celle du président et à son mi-mandat.
Avantages : la séparation des pouvoirs n’est pas remise en cause par ces élections qui se font soit en même temps que celle du président soit à une date décalée. Par la durée de son mandat le sénateur dispose d’un pouvoir plus important.
Inconvénients : le rythme des élections à la chambre des représentants peut paraître élevé, il conduit probablement à réduire la véritable indépendance du représentant par rapport à son parti. Comme on vient de le voir, le sénat par la durée des mandats peut avoir un pouvoir plus important et cela profite aux états ruraux ou moins peuplés.
a/ La désignation des candidats. Dans le même esprit que dans le cas de la présidentielle, les candidats d’un parti sont départagés par des primaires. Dans certains états d’autres partis peuvent s’ajouter aux deux principaux. Les candidats libres passent outre aux primaires.
Avantages : Les partis gardent un pouvoir important et les élections se font, malgré les candidats libres, dans la clarté.
Inconvénients : Comme pour l’élection présidentielle, ce mode de faire peut conduire à favoriser les candidats les plus durs dans leur attachement à leur parti et alors les plus extrémistes. On voit aujourd’hui comment l’ex-président Trump en joue.
b/ L’élection des sénateurs. Comme, par la multiplication des partis et des candidatures, il peut y avoir plus de deux candidats en lice, c’est le scrutin uninominal à un tour qui est la règle.
Avantages : Vu leur nombre limité par état il n’y a pas lieu de prévoir un deuxième tour. Celui qui obtient le plus de voix est élu.
Inconvénients : le risque d’un éloignement à la juste proportionnalité, dans les faits il parait faible.
c/ L’élection des représentants. Elle se fait au scrutin uninominal à un tour sauf exception. Alors doivent être tracées des circonscriptions, elles doivent évoluer avec la population pour respecter une équité démographique. C’est le législatif de l’état qui assume cette fonction.
Avantages : Le résultat des élections est connu pour tous le même jour.
Inconvénients : Tout d’abord la définition des circonscriptions bien qu’encadrée par la loi se concrétise par un charcutage géographique consistant à assurer à un parti des aires qui lui sont réservées, donc homogènes. Il en résulte que l’évolution d’une élection à l’autre est très réduite, peu de circonscriptions basculant d’un parti à l’autre. Ensuite on peut craindre des résultats non proportionnels aux nombres de voix, toutefois le biais semble acceptable dans la réalité. Enfin ce système bloque le développement de nouveaux partis qui permettrait de sortir de l’affrontement entre l’Ane et l’Eléphant. De ce fait les Etats-Unis ne bénéficient pas totalement de l’avantage de la séparation des pouvoirs qui devrait favoriser le débat constructif, celui-ci n’est qu’une lutte permanente
B. La république fédérale d’Allemagne
Comme le rôle du président est mineur en Allemagne et que la tête de l’exécutif est le chancelier, chef du gouvernement, nous ne nous attardons pas sur son mode d’élection.
Le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif y sont moins séparés qu’aux Etats-Unis, ce sont les membres du législatif qui élisent le pouvoir exécutif. Alors commençons par l’élection de la chambre des députés ou Bundestag.
I/ Election du Bundestag.
a/ Désignation des candidats : Ce sont les partis, plus nombreux qu’aux Etats-Unis, entre 5 et 6, qui désignent les candidats aux élections en général et à l’élection au Bundestag. Le territoire est subdivisé en circonscriptions dont le nombre est égal au nombre de députés à élire divisé par deux. Les partis désignent localement leurs candidats pour chaque circonscription et centralement la liste nationale. Des candidats isolés peuvent se présenter.
Avantage : Il y a dans cette démarche un équilibre entre pouvoir central et pouvoir local.
b/ L’élection. L’électeur devra d’une part voter pour son candidat dans sa circonscription et d’autre part voter pour le parti. Le candidat arrivant en tête dans la circonscription est élu. Le second vote permet de définir le nombre de députés auquel un parti a droit selon la proportionnalité, seuls les partis ayant acquis au moins 5% des voix ou 3 élus dans les circonscriptions participent à ce partage. On ajoute alors à chaque parti ce nombre diminué du nombre d’élus par circonscription.
Avantages : Ainsi la chambre est conforme à la proportionnelle intégrale tout en permettant une représentation locale, c’est à dire que chaque circonscription a son élu au Bundestag. C’est une solution originale pour respecter au mieux la volonté des électeurs.
II/ L’exécutif
a/ Son élection :L’exécutif est élu par le Bundestag. En réalité un gouvernement doit être présenté à cette assemblée et obtenir la majorité des voix. Comme souvent aucun parti n’a obtenu suffisamment de sièges pour respecter ce critère, des négociations sont conduites pour réunir plusieurs partis dans un projet de gouvernement.
Inconvénients : Les négociationspeuvent être très longues et laisser le pays dans une longue attente. Les compromis nécessaires peuvent conduire à de l’immobilisme. Par ailleurs pour éviter la possible instabilité liée à des évolutions du législatif, un gouvernement ne peut être démis par la chambre que si elle élit à la majorité un gouvernement concurrent. Grâce à cette règle on peut dire que la séparation des pouvoirs exécutif et législatif est un peu rétablie.
Avantages : D’une manière générale la politique menée sera plus centriste et moins extrême. Le possible remplacement d’un gouvernement par un autre peut-être considéré comme une souplesse face à des évolutions de la situation politique en général.
III/ Le Bundesrat : C’est la deuxième chambrequi est constituée par des délégués des Länder. Chaque Land y a un nombre de voix proportionnel à celui de sa population. Son rôle est limité mais il permet aux Länder de se protéger des extensions de pouvoir du gouvernement fédéral.
C. La France
La structure des institutions ne respecte qu’imparfaitement la séparation des pouvoirs et les partis politiques sont très faibles et relativement nombreux.
I/ Election du président :
a/ Désignation des candidats : Quiconque peut se présenter à cette élection pour autant qu’il puisse obtenir un minimum de signatures d’élus. Les partis, pour avoir des chances de succès, tentent d’organiser le choix de leur candidat. Des procédures diverses appelées quelquefois primaires sont organisées sans forcément réussir à désigner un seul porte-drapeau.
b/ L’élection : Elle se déroule en deux tours, seuls les deux premiers candidats arrivés en tête du premier tour sont autorisés à se présenter au second.
Avantage : Comme l’un des deux candidats restants a de fortes chances d’appartenir à un courant politique extrémiste, le résultat final est connu dès le soir du 1er tour.
Inconvénients : L’électionpeut s’apparenterà un tirage au sort. Les scores des gagnants du 1er tour sont de l’ordre de 20 à 25%, cela signifie qu’avec moins du quart des voix, et vu le nombre de votants moins de 18% des inscrits, le président peut être élu. Sa représentativité et sa légitimité ont toutes justifications à être contestées. Une telle situation ne pourrait advenir dans l’un des cas vus précédemment.
II/ Election de l’assemblée législative : nous nous intéresserons ici à la seule assemblée nationale, le rôle du sénat, seconde chambre du pouvoir législatif, étant souvent secondaire.
a/ Désignation des candidats : Celle-ci est du ressort des partis et quiconque peut se présenter.
b/ L’élection : elle se fait au scrutin uninominal à deux tours. La carte des circonscriptions définie par département est telle que le nombre d’habitants pour chacune d’elles soit compris entre deux limites. Comme il doit y en avoir au moins une par département il est possible que dans ce cas la limite basse puisse ne pas être atteinte. Si au premier tour l’un des candidats obtient plus de 50% des voix et plus de 25% des votants, il est l’élu de la circonscription. Dans l’autre cas un deuxième tour est organisé où seuls ceux dont le nombre de voix obtenu au 1er tour est supérieur à 12.5% des inscrits peuvent se présenter, ou alors les deux premiers candidats ayant obtenu le plus de voix.
Avantage : chaque territoire a son élu.
Inconvénients : Le résultat final peut être très loin de la proportionnelle et le nombre de voix obtenu par les élus de la majorité peut être très inférieur aux 50% qui assureraient sa légitimité. Il arrive qu’un parti parmi les plus grands n’obtienne aucun élu, ce qui, quoiqu’on pense de ce parti, reste choquant et frise l’injustice.
Relation entre les deux élections : Dans un souci (très français) de cohérence entre exécutif et législatif, l’élection de l’assemblée est consécutive à celle du président. Ainsi le président nouvellement élu valide le choix des candidats de son parti. Celui-ci, compte tenu du succès de son représentant, a toute chance dans une élection uninominale à deux tours d’avoir le plus grand nombre d’élus.
Avantage : La cohérencepolitique entre la chambre et le président.
Inconvénients : Le présidentest tout puissant puisqu’il a le pouvoir exécutif et la majorité à la chambre lui est totalement redevable de son élection. Le débat à l’assemblée n’est plus que de pure forme. Mais alors le président est bien seul sur son Olympe au point que dans certaines situations la peur l’étreint, comme après la révolte des gilets jaunes. Le lancement prématuré de sa campagne pour les nouvelles élections est aussi une conséquence de cette situation.
D’un point de vue plus général cette centralisation du pouvoir nuit à la qualité des décisions, celles-ci pourraient être améliorées par des débats plus ouverts et par la prise en compte de points de vue multiples, comme on devrait l’observer là où la séparation des pouvoirs est effective et où les décisions du gouvernement sont le fruit de compromis entre plusieurs partis.
On peut craindre que la situation du pays, qui s’est détériorée depuis un certain temps, chômage incompressible, désindustrialisation, système de santé défaillant (voir le nombre de décès pour covid), système éducatif supportant de moins en moins la comparaison internationale, déficit commercial important, déficit public toujours croissant…, soit due au pouvoir trop concentré et au manque d’audace qui en découle. La désertification du territoire au profit d’une métropolisation inspirée par le même esprit conduit à une mauvaise utilisation des ressources.
D. L’Italie
Comme l’Allemagne, l’Italie est gouvernée sous un système parlementaire, le président a un rôle secondaire bien qu’il puisse par son autorité influer sur le déroulement des négociations pour la constitution d’un gouvernement et de sa majorité. Les partis politiques sont multiples et très évolutifs suite à la quasi disparition de celui qui a dirigé le pays de longues années : la démocratie chrétienne.
La loi électorale est aussi très changeante et les nouvelles élections se feront encore selon un système différent de celui qui a présidé aux élections des chambres actuelles.
Inconvénients : Tout ce contexte donne une image d’un pays instable, ce qui est d’ailleurs confirmé par le nombre de gouvernements qui ont dirigé le pays ces dernières périodes, 70 depuis la fin de la seconde guerre mondiale. La durée moyenne d’un gouvernement italien serait de 361 jours selon Wikipedia.
Dans le même esprit que l’adage « pierre qui roule n’amasse pas mousse » la volatilité des lois électorales les empêche de bénéficier du respect attaché aux institutions durables.
I/ Election des chambres
Ayant à faire à un système parlementaire il est juste de commencer par les chambres. Elles sont au nombre de deux, la chambre des députés et le sénat, avec la particularité d’avoir chacune le même pouvoir. Une loi doit passer par les deux chambres, le gouvernement doit être accepté par les deux chambres.
Avantage : Dans un pays instable ce peut être une bonne solution pour éviter les changements trop brutaux des textes légaux.
Inconvénient : Le passage par les deux chambres avec des délais ralentit beaucoup l’action du gouvernement.
a/ La chambre des députés : élue au suffrage universel par la population des plus de 18 ans selon un mode mixte, une part à la proportionnelle (5/8) par région et une part au scrutin uninominal par circonscription (3/8). Le nombre de députés était de 630, il sera désormais de 400.
Avantage : La part laissée à la proportionnelle permet une représentation plus proche du corps électoral, et peut-être pour les partis un cycle de vie (naissance, mort) rapide.
La réduction du nombre de parlementaires devraient donner plus d’efficacité et plus de transparence.
Inconvénient : D’un autre côté elle conduit à la multiplication des partis aux doctrines un peu instables, d’autant que le seuil nécessaire pour participer au partage à la proportionnelle parait assez bas (3%).
b/ Le Sénat : élu au suffrage universel aussi mais avec des règles particulières. Les électeurs devaient avoir plus de 25 ans et les élus plus de 40 ans, ces particularités sont dorénavant supprimées. Il comptait 315 sénateurs élus pour cinq ans et un certain nombre de sénateurs à vie, soit qu’ils aient été présidents de la république, soit qu’ils aient été nommés par ceux-ci pour leurs mérites.
Les élections des sénateurs, 200 aujourd’hui, se font sur un principe semblable à celui de la chambre des députés, 5/8 à la proportionnelle et 3/8 par circonscription au scrutin uninominal.
II l’Exécutif
a/ le président de la république : Il est élu par les deux chambres rassemblées auxquelles sont ajoutés les représentants des régions.
Avantage : l’ajout des représentants des régions assure au président une légitimité qui peut l’aider pour son rôle d’arbitre et lui donne la stature utile pour influer sur les partis en recherche de compromis en vue de la formation d’un nouveau gouvernement. C’est lui aussi qui en dernier ressort peut être amené à dissoudre l’une ou l’autre des chambres.
b/ Le chef du gouvernement : Si le président est un arbitre plus ou moins influent selon son aura dans le pays et son sens diplomatique, le chef de gouvernement mène effectivement la politique du pays. Pour être accepté il doit se présenter successivement devant les deux chambres et y obtenir dans chacune la majorité.
Inconvénient : Compte tenu du morcellement de la société politique en de nombreux partis évolutifs, les négociations pour rassembler cette majorité sont souvent difficiles et quelquefois imprévisibles.
Ce système où le gouvernementest à la merci du législatif, lui-même très éclaté, est nécessairement très instable. Bien qu’elle soit aussi présente en Allemagne, cette non séparation des pouvoirs exécutif et législatif y est compensée par la nécessité pour le Bundestag d’élire un nouveau gouvernement pour invalider le précédent.
Une observation générale : Un lien parait très fort entre la caractéristique des institutions et la culture sous-jacente et l’image du pays, la question posée est alors : laquelle influe sur l’autre ?
E. La Suède
La Suède est une monarchie constitutionnelle en ce sens que le roi, chef de l’Etat n’exerce que des fonctions honorifiques et la source principale du pouvoir au niveau global du pays réside dans l’unique chambre le riksdag ou diète royale. Une particularité de la Suède est d’être très décentralisée. Le pouvoir des communes est très vaste et va des bibliothèques jusqu’au logement, de l’urbanisme jusqu’à l’enseignement primaire et secondaire etc…. Elles peuvent collaborer entre elles dans le cadre des régions ou comtés. Ainsi, en 2002, 20% de la population active sont employés par les communes*. Selon les chiffres de l’OCDE ce sont 26% de la population active qui travaillent pour les administrations publiques.
Durant une longue période il y eut une grande stabilité avec cinq partis et un gouvernement tenu par le parti social démocrate s’appuyant sur un syndicat très fort, 80 % des ouvriers sont syndiqués. Plus récemment un parti d’extrême droite a crû de manière forte entre les élections de 2014 et celles de 2018.
Autre particularité chaque réforme fait l’objet d’une présentation, très en amont, à tous les partis puis se mettent en place de larges débats qui descendent jusqu’à la société civile et auxquels des experts peuvent participer. Le résultat est le fruit d’un consensus, si bien qu’une réforme peut être lancée par un gouvernement et poursuivie par un autre. Il n’y a pas dans ce pays la peur du changement.
*https://www.mamh.gouv.qc.ca/fileadmin/publications/observatoire_municipal/veille/decentralisation_suede.pdf
I/ La diète royale
Elle est composée de 349 élus à la proportionnelle pour 4 ans à dates fixes et donc basée sur des partis. Cette assemblée élit d’abord son président qui a un rôle important en ce sens que c’est lui qui nomme le chef de gouvernement avant qu’il soit accepté par la chambre, qui préside effectivement l’assemblée et est remplacé en tant qu’élu car il perd son droit de vote de député. Comme le gouvernement, cette chambre peut être à l’initiative des lois mais toutes les lois ne sont effectives que validées par cette même chambre. C’est le gouvernement qui peut la dissoudre et provoquer de nouvelles élections. Mais cette nouvelle chambre ne durera que pour la période qui restait à celle ainsi remplacée.
On peut dire que la séparation entre les pouvoirs exécutif et législatif reste faible.
a/ son élection : Elle se fait à la proportionnelle à l’intérieur de circonscriptions, sur 349 sièges 310 sont répartis ainsi et 39 permettent de légères corrections estimées nécessaires au niveau global pour prendre en considération l’effet circonscriptions (si dans chaque circonscription une liste est à la limite d’obtenir un siège supplémentaire, il est certain qu’au niveau du pays elle puisse avoir droit à un ou quelques élus de plus). Un seuil minimum conditionne la participation à la proportionnelle. Par ailleurs il est possible de modifier l’ordre dans les listes en votant en sus pour le parti pour un candidat précis, l’effet n’est pris en compte que si ce candidat obtient plus de 8% des voix dans sa circonscription. Ce raffinement dans la méthode est caractéristique d’une volonté de transparence.
Avantages : d’une part la proportionnelle donne confiance, en ce sens que le nombre d’élus correspond à la volonté des électeurs, le raffinement de la méthode accroît cet effet. D’un autre côté, la multiplicité des partis qui en découle oblige l’exécutif à trouver des compromis, aucun parti n’ayant à lui seul la majorité absolue. Et si pendant une très longue période celui des sociaux démocrates a été peu contesté ce n’est désormais plus le cas.
La possibilité de modifier l’ordre dans les listes est un autre exemple du pouvoir qui veut être donné au peuple.
Inconvénients : Aux avantages cités correspondent les inconvénients de la multiplicité des partis et donc de la difficulté à trouver les compromis nécessaires pour établir un programme de gouvernement soutenu par une majorité. La Suède n’eut pas à souffrir de cette situation tant que les sociaux démocrates ont pu gouverner souvent seuls ou avec d’autres petits partis. Aujourd’hui un parti populiste, les démocrates de Suède sont au parlement avec 22 élus.
*Chabert et Clavel concluent que « d’une certaine manière, en acceptant de ‘mettre sur la place publique’ les projets de réforme très tôt dans le processus, l’administration et la classe politique suédoises ont pris le pari d’accepter un point d’arrivée des réformes potentiellement différent de celui souhaité initialement, mais dans le même temps, plus stable car mieux ‘approprié’ par les acteurs (Trésor Eco n°105, 2012, p.7.)
II / Le gouvernement
Oubliant le roi dont le rôle est limité aux fonctions de représentation, l’exécutif est assumé par le gouvernement. La constitution suédoise ne respecte pas formellement la séparation des pouvoirs et le gouvernement doit être accepté par l’assemblée royale. Les membres de cette assemblée étant élus à la proportionnelle, la majorité nécessaire au gouvernement est presque obligatoirement formée par une coalition.
Avantages : La coalition nécessite la négociation et donc propose des solutions jugées à partir de plusieurs points de vue, et normalement plus riches.
Inconvénients : il y a le risque que ces solutions perdent une part de leurs ambitions premières.
a/ Sa formation
Le président du Riksdag nomme le chef de gouvernement qui va négocier avec les partis afin de définir une majorité qui le soutiendra. En réalité il n’est pas absolument nécessaire qu’il soit majoritaire, il suffit que les voix pour son acceptation soient plus nombreuses que celles pour son refus, les abstentions ne comptent pas. S’il est accepté il pourra désigner ses ministres.
Avantages : La non prise en compte des abstentions peut faciliter la formation d’un gouvernement.
Inconvénients : La négociation avec les partis peut se montrer difficile, celle de 2018 a pris au moins 4 mois avec jusqu’à cinq tentatives devant le Rikstag. C’est la véritable faiblesse des systèmes sans séparation entre pouvoir exécutif et pouvoir législatif.
b/ Son renvoi : Si le Rikstag organise un vote pour censurer le gouvernement et que celui-ci obtient moins de voix pour que contre, il est démissionné à moins qu’il ne renvoie la chambre. Le pays se retrouve ensuite avec une nouvelle chambre d’où sortira un nouveau gouvernement. De plus cette nouvelle chambre ne durera pas plus que le temps qu’il restait à celle qu’elle a remplacée.
Inconvénients : Cette soumission de l’exécutif au législatif peut être source d’instabilité, si elle n’a pas eu de mauvaises conséquences c’est que la négociation est une grande tradition en Suède.