Wouter van Ginneken
Les élections pour le parlement européen en juin 2024 ont donné une victoire importante pour les partis qui se sont maintenant réunis dans le groupe des « Patriotes ». Avec 84 sièges des 720 au total, ils représentent la troisième force dans le parlement européen. En même temps il y a une légère avance pour le parti principal – les démocrates-chrétiens (de 179 en 2019 à 188 en 2024). Les socio-démocrates ont légèrement perdu – de 138 sièges en 2019 à 136 en 2024. Les démocrates du centre ont perdu significativement – de 98 sièges en 2019 à 77 en 2024, principalement à cause des pertes du parti « Renaissance » en France. Ces trois groupes de partis ont renouvelé leur soutien à Mme von der Leyen et restent le pivot actif dans le parlement. Les verts ont perdu 17 sièges – de 70 en 2019 à 53 en 2024, surtout en Allemagne et en France.
En anticipant les élections surtout les démocrates-chrétiens ont poussé pour la mise en place d’un nouvel pacte pour la migration et l’asile – adopté en 2024. Ce pacte met l’accent sur un rôle plus important pour Frontex et sur le soutien pour les pays européens du Sud, comme l’Espagne, l’Italie et la Grèce. Ce pacte introduit la proposition d’installer à la frontière des centres d’accueil pour mener les procédures à la frontière ainsi qu’un nouveau système informatique – Eurodac – qui collectera toutes les informations sur les personnes souhaitant entrer en Europe. Toutefois, la mise en œuvre de ce pacte nécessite de recruter des milliers d’agents et les former.
Déjà avant, l’Europe avait financé les actions anti-migratoires en Tunisie, en Lybie et plus tôt en Turquie. Ceci n’a pas pu contrer l’avancée des patriotes, comme le montrent les exemples du Rassemblement National en France et du PVV et du bloc flamand aux Pays-Bas et en Belgique. Depuis l’adoption de ce pacte, certains pays comme l’Allemagne ont même durci le contrôle aux frontières nationales. Toutes ces propositions et les politiques déjà en place ont sans doute contribué à une forte diminution de la migration irrégulière en 2024.
Il faut prendre note du fait que les partis anti-migratoires sont contre la migration irrégulière. Il est frappant par exemple que la migration d’à peu près 8 millions d’Ukrainiens a en fait été acceptée partout en Europe. Il est aussi intéressant de voir que le taux de chômage en Europe est en ce moment à des niveaux historiquement bas. Le contrôle de la migration irrégulière y est sans doute pour quelque chose.
Même si l’immigration non-maîtrisée a dominé l’agenda politique, la conception et mise en œuvre des politiques en matière de migration régulée restent très – et peut-être plus – importantes. Pour l’instant chaque pays a sa propre politique sur cette question. Avons-nous besoin d’une telle politique au niveau européen ? L’économie et la société européennes ont besoin de nouveaux bras pour améliorer la compétitivité des entreprises européennes, ainsi que pour remplir les postes vacants par exemple dans l’agriculture, les services de soin, et qui sait… l’armée.
Il est clair aussi que le thème de la migration est vu par les électeurs à travers un prisme qui envisage de se débarrasser d’une dite élite politique. Un parti anti-migration est souvent un parti anti-système, mais qui a aussi d’autres objectifs et revendications. Ces partis sont plus enclins à travailler avec M. Poutine ; le changement climatique n’est pas un thème important pour eux ; ils sont plus en faveur du « law and order » ; et récemment ils attirent aussi l’intérêt des grandes entreprises, comme en Autriche et aux EEUU. En fait, les grandes entreprises ont des intérêts complémentaires avec les partis identitaires et « patriotiques », se sentant contraints par les régulations des instances internationales, comme l’Union européenne. En plus, ces entreprises craignent une fiscalité plus importante et progressive.
En conclusion la question de la migration irrégulière a eu une influence importante sur les élections européennes. Parallèlement, la question de la migration est vue par beaucoup d’électeurs comme un sujet clé qui permet de changer d’autres politiques, comme l’environnement ainsi que, en général, les politiques nationales et internationales.
26 janvier 2025