Par Mariejo Duc-Reynaert
Quelle tristesse de voir ce qui se passe actuellement en Afghanistan ! Quelle souffrance et quelle déception pour une population qui croyait en un avenir meilleur, même sous le régime des talibans, qui d’ailleurs n’ont pas rencontré d’opposition à leur entrée à Kaboul.
Mais tout aussi triste est la position de la Suisse, pays réputé, du moins par le passé, pour ses actions humanitaires. Que constate-t-on aujourd’hui ? Le service de conseil en matière de visa humanitaire a fermé ses portes le 22 décembre 2021, après sept années de service. Depuis de nombreuses années, la Croix-Rouge suisse s’engageait afin d’assurer aux personnes particulièrement vulnérables un accès légal à la protection internationale. Le visa humanitaire est un instrument qui permet d’assurer cet accès. Active pendant de nombreuses années auprès de cet organisme en tant que Senior expert au Service de recherche des personnes disparues, j’ai été directement confrontée à l’extrême détresse des personnes dont la vie et l’intégrité physique sont menacées. Or, depuis 2018, le nombre de visas humanitaires accordés conformément aux directives diminue considérablement. De même, les cas que nous avons appuyés et qui ont reçu un avis favorable sont en forte baisse depuis 2017, alors que le nombre de demandes adressées au service de conseil augmente d’année en année comme le montre le tableau ci-dessous1
Nous sommes très préoccupés par ces évolutions et par le fait que cet instrument soit utilisé de manière aussi restrictive, en totale contradiction avec la tradition humanitaire de la Suisse.
Depuis le mois d’août dernier, des milliers de demandes venant d’Afghanistan nous ont été adressées et seule une centaine de cas ont été soumis au Secrétaire d’Etat aux Migrations (SEM) après avoir effectué un examen individuel approfondi de la part du service de conseil de la Croix-Rouge suisse. A ce jour, AUCUNE réponse positive ne nous est parvenue,
1 Source : Croix-Rouge suisse
Parallèlement, les médias nous relatent une opération d’exfiltration menée par l’Union cycliste internationale (UCI) : une vingtaine de femmes cyclistes afghanes ont été extradées vers la Suisse. Une telle action nous réjouit et nous en félicitons les principaux acteurs ! Cependant, cela nous interpelle : comment est-il possible qu’une Union cycliste puisse obtenir ce qu’on refuse aux professionnels de l’humanitaire? Car pour affréter un avion et permettre à ces personnes d’arriver en Suisse, il a bien fallu que les autorités donnent leur accord. Et l’on peut raisonnablement faire l’hypothèse que pour obtenir le droit d’atterrissage en Afghanistan, des «négociations financières » ont été entreprises avec les talibans !
Perplexité : les autorités suisses ne font-elles plus confiance à leurs institutions les plus officielles, telles que la Croix-Rouge? Il en ressort un sentiment profond de frustration…