par André Duval
On peut suggérer que l’invasion de l’Ukraine par l’armée russe ne fut possible que par une suite d’attitudes hypocrites et lâches de nos démocraties. On pourrait dire que cela a commencé par l’abandon des démocrates syriens à la répression du gouvernement de Bachar El Assad largement soutenu par Poutine.
L’inconstance de nos démocraties
Dans la mouvance des contestations populaires d’intensité diverse qui ont traversé les pays arabes dès décembre 2010 dans ce qui fut appelé « le printemps arabe », que s’est-il passé en Syrie ? Une population plutôt pacifiste manifeste en faveur de la démocratie et contre le régime baasiste du président Bachar el Assad. La plupart des démocraties à travers le monde applaudit et certaines iront même jusqu’à encourager ces révoltes. Avec le recul n’était-ce pas la pire des attitudes ?
Soit nos démocraties aidaient véritablement avec tous les moyens possibles – y compris militaires – les protestataires, soit elles n’étaient pas en mesure de le faire et conseillaient à ces mouvements d’adopter une démarche à petits pas visant à gagner le soutien de la plus large part de la population du pays. L’adoption de la première option a conduit à l’affaiblissement du gouvernement syrien avec pour conséquence le chaos dont les groupes les plus extrémistes ont su tirer parti : les islamistes chiites soutenus par les gardiens de la révolution iranienne et le Hezbollah du Liban, les islamistes sunnites ou salafistes, Al Quaïda, les autonomistes kurdes. Finalement la Russie est intervenue en soutien du gouvernement de Bachar el Assad et a écrasé les démocrates syriens sans que les pays occidentaux mettent en œuvre les diverses menaces que leurs gouvernements avaient annoncées. Ceux-ci ont limité leurs actions à combattre l’Etat Islamique en fonction de leurs propres intérêts. Ainsi les soldats russes se sont aguerris à tuer et à donner à Poutine l’impression que son armée était suffisamment forte et expérimentée pour jouer un rôle important dans le monde.
Le poids des intérêts économiques
Alors que Moscou annexait la Crimée et intervenait déjà au Donbass, l’Allemagne construisait dans le même temps avec la Russie le pipeline North Sream 2 dont un des buts était de contourner celui qui traversait l’Ukraine. C’était déjà jouer contre l’Ukraine et en même temps concentrer sur un seul pays ses sources d’énergie alors que déjà dans les années 1970 la Commission Européenne oeuvrait pour une plus grande répartition des ressources de pétrole. Aujourd’hui on multiplie les sanctions qui relèvent aussi de cet esprit mercantile. N’est-ce pas hypocrite alors que l’Ukraine est écrasée sous les bombes de parler de sanctions et de continuer à importer pétrole et gaz de Russie ? Ainsi les pays européens donnent à Poutine la manne qu’il peut transformer en missiles de toutes sortes pour les déverser sur les civils ukrainiens à Marioupol ou Kiev.
Conclusion : comme en Syrie, on peut émettre l’hypothèse qu’aucun dépassement de la « ligne rouge » ne verra les menaces être mises en œuvre. Heureusement l’émotion qu’a provoquée dans les populations européennes l’invasion de l’Ukraine par la Russie a obligé les gouvernements européens a passé outre leurs réserves quant à l’envoi d’armes aux soldats ukrainiens. Une question : Poutine n’a-t-il pas interprété l’insistance du président Macron à le rencontrer comme l’assurance que les Européens ne réagiraient pas à ses actions autrement que par des sanctions à faibles conséquences ?