Quand les généraux birmans s’inspirent de leur modèle américain

par Jean-Luc Maurer

Mon propos n’est pas d’entrer en matière ici sur les causes et conséquences du nouveau coup d’État militaire survenu récemment en Birmanie, qui a renvoyé ce pays aux vieux démons dont il ne s’est jamais complètement débarrassé depuis son indépendance. Contentons-nous à ce stade de souligner combien l’infamie le dispute au ridicule chez ces militaires brutaux et corrompus qui tiennent la population sous leur joug.

Sans doute inspirés par l’exemple peu édifiant de Donald Trump, leur principale raison pour passer à l’action a été de prétendre que les élections, gagnées de manière écrasante par la LND (Ligue nationale pour la démocratie) de la « First Lady », Aung San Suu Kyi, avaient été entachées d’irrégularités, principalement en Arakan. Or, c’est la province qu’ils ont eux-mêmes mis à feu et à sang en 2017 pour en chasser la minorité des Rohingyas, avec le coût humain épouvantable que l’on sait[i]. Comme si cela ne suffisait pas, ils viennent de placer en résidence surveillée la frêle « Dame de Rangoon » et de l’inculper pour infraction à la loi sur l’importation de « talkie-walkie »… qui sont en vente libre dans tous les magasins spécialisés du pays! Cela ressemble beaucoup aux méthodes utilisées par le sinistre « agent orange » républicain en 2016 pour affaiblir son adversaire démocrate, Hillary Clinton, en l’accusant d’utilisation abusive…. de son « smartphone »[ii] ! Enfin, le général renégat (dont il n’est pas utile de retenir le nom car il passera vite, espérons-le, dans les poubelles de l’histoire !) qui s’est emparé du poste de premier ministre, vient d’appeler au secours son tout aussi détestable alter ego militaire thaïlandais, pour l’aider à….sauver la démocratie ! Là également, le petit « homme vert » birman en uniforme continue à suivre son obèse modèle américain blond peroxydé. Après avoir lancé une action séditieuse contre le Sénat pour empêcher la proclamation de sa défaite électorale – humiliation insupportable pour un homme aussi narcissique – et savouré l’échec de son second procès en destitution (grâce à la lâcheté écœurante du Parti républicain, le Grand Old Party de Lincoln, qui doit se retourner dans sa tombe !), ce dernier a en effet eu le culot de déclarer que c’était les Démocrates du Congrès qui avaient mis en danger la démocratie américaine !

Désormais, il semble donc bien que tout soit possible dans un monde où, comme l’avait anticipé Georges Orwell[iii], « la vérité est fausse et le mensonge est vrai » ! La seule différence importante entre ces deux exemples situés aux antipodes de la planète est que plus de 70 millions d’Américain-e-s ont voté pour l’« ex-twitteur » frénétique de la Maison Blanche et le soutiennent toujours en grande partie, alors que la majorité des Birman-e-s rejette le retour des militaires au pouvoir et proteste héroïquement face aux tanks devant la pagode dorée du Shwedagon.


[i] Selon les Nations Unies, 700.000 personnes ont du fuir et se réfugier principalement au Bangladesh et la répression militaire aurait fait plus de 10.000 morts. https://www.courrierinternational.com/article/birmanie-les-rohingyas-sont-victimes-dun-genocide-selon-lonu

[ii] Notons que l’on assiste dans les deux cas à l’action violente et indigne d’hommes pétris de machisme contre des femmes politiques qui semblent bien vulnérables face à eux.

[iii] L’auteur de « 1984 » a d’ailleurs vécu plusieurs années en Birmanie du temps de l’Empire britannique et a publié en 1935 un magnifique roman intitulé « Burmese Days».

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